Lettres à Yves, de Pierre Bergé (Gallimard)
Lorsque Pierre Bergé nous expédie ses lettres, cela fait déjà un an qu'Yves a disparu. Yves Saint-Laurent, bien sûr. Des lettres écrites au fil des jours, des semaines, mais qui, nul ne s'y trompera, nous étaient destinées, à nous, leurs lecteurs, dès la première.
Un petit livre, un peu plus de cent pages, qui nous en dit long, et sur l'un, et sur l'autre, sur les joies, les douleurs partagées, indiscibles et secrètes, mais que Pierre Bergé, adroitement, nous dévoile, comme en écartant de la main, du bout des doigts, quelque malin rideau.
Certes, il nous manque les couleurs, ces couleurs du Maroc dont on apprend l'influence sur le génie, il nous manque le vent, ce vent chaud qui nous étouffe mais auquel on aspire pourtant, pour que s'animent à nouveau, sous nos yeux ébahis, ces Matisse de chair et de sang, ces Braque ou ces Picasso, ces vedettes du grand écran, ces princesses, ces femmes du monde entier, Indiennes ou Russes, Africaines vêtues de perles, nues sous la tunique.
Il n'empêche, Pierre Bergé nous comble, bien souvent triste, comme l'était bien souvent, trop souvent, son amour ; et nous comprenons, sous ses souffrances, ses reproches à peine formulés, ce dévouement, presque indécent, qui, parfois, rejoint la dévotion, combien la fidélité des jours anciens tient au souvenir d'une jeunesse éclatante.