Publié par Gérard Glatt

Je ne sais pas pourquoi, mais c'est ainsi : en fin d'année, j'éprouve le besoin de parler des quelques livres que j'ai lus au cours des trois ou quatre mois précédents. Une façon comme une autre, peut-être, de récapituler ce qu'a été mon existence, coulée à travers des univers qui ne sont pas les miens, proches ou éloignés. En voici déjà quatre, il y en aura d'autres. Naturellement, comme toujours je n'évoque ici que les livres qui m'ont satisfait, dont j'ai apprécié l'écriture ou l'histoire, ou les deux à la fois. A quoi bon, sinon ? Je sais trop ce que c'est que d'écrire. 

Le couple d'à côté, de Shari Lapena, édité aux Presses de la Cité, puis chez Pocket, m'a véritablement embarqué. " Ce soir, Anne et Marco sont invités à dîner chez leurs voisins, le couple d'à côté. Comme la baby-sitter annule au dernier moment et que les maisons sont mitoyennes, Marco convainc Anne de laisser Cora, 6 mois, dans son berceau et d'emporter avec eux le babyphone. Tout se passe comme prévu... (...) Mais lorsqu'ils rentrent chez eux, Anne et Marco découvre un berceau vide. " Le roman est noir. Et le style percutant. C'est ficelé en main de maître. Et l'on redoute le pire, à chaque page tournée, d'autant plus que Anne, depuis qu'elle a accouché, est notoirement dépressive. Quant à Marco, compte tenu de la situation financière de sa société, tout est également fait pour que l'on s'interroge sur sa véritable personnalité.

 

D'un tout autre genre, le livre de Philippe Besson : De là, on voit la mer (Julliard et Pocket). Nous sommes ici dans l'intimisme des cœurs. " Sur les hauteurs de Toscane, Louise se voue tout entière à l'écriture de son roman. Un exil volontaire qu'elle savoure loin de Paris et du mari qui l'attend, émancipée qu'elle est du monde. Quand Luca, un jeune homme au charme insolent, réveille son désir... " Assurément, Louise s'abandonnera aux bras du jeune homme. Il est si irrésistible. Ce ne sera pas sans détours, pourtant... Si l'on en croit François Busnel, nous sommes là devant un roman " osé, terrifiant et brutal." Non, il n'y a rien d'osé, de terrifiant ni de brutal. C'est la vie, rien de plus, ne nous voilons pas la face. Si ce n'était superbement et intelligemment écrit, et si la fin n'était un tantinet cruelle, ce pourrait être digne des éditions Harlequin. Seulement, Philippe Besson passe par là, comme il sait faire. En tableaux courts, aussi incisifs qu'indispensables, sans fioritures, il nous entraine jusqu'au plus intime de l'âme, et c'est sans résistance que nous le suivons. Un léger bémol cependant : Philippe Besson aurait sans doute pu s'économiser les quatre dernières lignes.

Comment ne pas parler du très beau roman de Véronique Chauvy : Une promesse bleu horizon ? (De Borée - Terre de poche " Fille de petits commerçants, Céleste a trouvé sa voie : couturière douée, elle vend ses créations à l'un des meilleurs modistes du centre-ville. Tout juste fiancée à Firmin, qui travaille, comme beaucoup d'ouvriers de la région, dans le caoutchouc, sa vie semble suivre un chemin tout tracé... " Mais c'est compter sans la guerre, celle de 14-18, qu'il faudra courageusement traverser avant que le bonheur n'éclose. Et quel bonheur ? Celui tant espéré ? Ou bien... Autant le dire, l'action se déroule en Auvergne, avec Clermont-Ferrand comme épicentre, du côté de Céleste, et les alentours de Verdun, lorsqu'on se retrouve au front, comme Firmin et quelques autres. Tout est juste, dans ce roman : l'analyse psychologique des personnages, à laquelle je suis toujours friand, ici jamais pesante ; et les tableaux, en alternance, que Véronique Chauvy nous donne de la guerre, au réalisme aussi fou que sauvage, il faut tuer si l'on veut vivre, et sauver les presque morts si l'on a l'espérance cheviller au corps. Oui, des peintures que l'on verrait à la cimaise d'un musée. Un roman qu'on ne lâche pas, même si la conclusion est attendue.

Pour terminer, je souhaite évoquer Paccard, l'oublié du mont Blanc, publié chez Ginkgo Editeur. L'histoire fouillée que nous livre Jean-Louis Lejonc, de ce médecin chamoniard qui, accompagné de Balmat, fut le premier à gravir le mont Blanc jusqu'à son sommet. Que nous dit exactement la quatrième de couverture de l'ouvrage ? " Alors que Michel-Gabriel Paccard fut le premier à gravir le mont Blanc en 1786, accompagné du cristallier Jacques Balmat, l'histoire a retenu ce dernier comme le leader de la cordée quitte à assigner au médecin de Chamonix le rôle de simple second. La réalité est tout autre..." Ainsi nous saurons tout de la naissance du futur docteur jusqu'à son trépas. De son amour pour la botanique, jusqu'à cette ascension qui lui valut cette chamaillerie de galopins, lui revendiquant, sans doute à juste titre, d'avoir été le premier au sommet du mont Blanc, et Balmat, au contraire, de l'avoir laissé derrière lui, piteux, mal en point. Ce livre ce dévore, qui, par le style allègre, presque parlé de Jean-Louis Lejonc, n'est pas l'ouvrage d'un historien, alors que, pourtant, nous avons bien affaire ici à l'Histoire, celle qu'on écrit avec un grand H. 

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