Nous sommes les chardons, par Antonin Sabot (Presses de la Cité)
Un premier roman, Prix Jean Anglade 2021, superbement maîtrisé, fort bien construit, qui laisse une trace après qu’on l’a lu, d’espoir et pas seulement. De quoi s’agit-il ? « Un soir, Martin voit son père, mort il y a peu, venir s’attabler avec lui. Ce père qui lui a appris à entendre les arbres et à humer le vent, à suivre la piste des bêtes dans la forêt, à connaître les paysans des alentours... »
C’est là ce que nous en dit la quatrième de couverture. Mais que l’on ne se méprenne pas, ce père disparu – où ? quand ? comment ? Martin l’ignore, qui n’aura de cesse de retrouver son corps perdu quelque part, et peut-être surtout l’esprit qui lui a insufflé tout ce qu’il connait de la vie et du monde, et notamment cette étonnante faculté, la nuit, dans ces montagnes qui l’ont vu grandir, de pouvoir regarder le ciel, le ciel et les étoiles, et de ses bras grands ouverts embrasser le firmament tout entier – ce père, pas seulement le père du héros, le père de Martin, que je vois davantage, du moins est-ce ainsi que j’ai ressenti cette lecture, dans la peau de celui qui, aujourd’hui, nous ferait défaut. Ce père, comme en camp retranché, mais ouvert à la clarté du monde, la vraie, sans artifice aucun, loin des villes et de leurs faux attraits.
Oui, je crois que ce livre apporte beaucoup. Qu’il apporterait au plus grand nombre un éclairage nouveau sur l’écologie, une écologie qui n’est pas même prononcée, qui se veut sans diktats, tout en sagesse, tout en compréhension, comme le maître apprend à lire à l’enfant, de sa voix la plus affectueuse, bien éloignée de l’arrogance du verbe dont les politiciens, via les médias, nous abreuvent. Mais les médias, aujourd’hui... Enfin, la question n’est pas là. La question n’est même plus là...
Ecoutons plutôt, découvrons plutôt la petite musique qu’Antonin Sabot nous donne à aimer : celle d’une terre dont les poumons s’épuisent, qu’une humanité folle ont rendu malades, mais dont on espère malgré tout la guérison prochaine.