Publié par Gérard Glatt

Cette chronique n'est pas publiée dans son intégralité. Elle le sera en 2022, dans la revue littéraire EUROPE. N'y tenant plus cependant, j'en ai retenu ce court extrait que je vous laisse découvrir, espérant fort qu'à lui seul il puisse convaincre quelques-uns de l'intérêt qu'il y a à lire certains livres plutôt que d'autres, primés ou non d'ailleurs, de ces livres que les libraires montrent peu ou pas du tout, malgré leur excellence. Alors voici :         

Quel beau titre ! Béquille d’école. Je l’ai lu deux fois et là, encore sous mes yeux, précieux comme un diadème, je crois bien que ce livre m’appelle à nouveau. Phénomène assez rare, qui me laisse à entendre que l’expérience que Jean Miniac nous relate sous couvert de textes brefs toujours d’égale qualité, pas moins de quatre-vingt-six, qui sont un pur régal, dont certains tirent les larmes et d’autres font sourire, j’aurais aimé la vivre et l’éprouver comme lui l’a vécue, intensément, et rempli d’affection pour ces gamins, ceux de l’école Julien Lacroix, située à Paris, dans le 20e arr., dont il a, chaque jour, pendant plusieurs années, essuyé les pleurs, qu’ils fussent de rire ou de douleur.

Une école, « une de celles, dit-il, dont un sigle désigne le lot d’appartenance : REP… (Réseau d’éducation prioritaire) ». Une école où, autour d’une table, réunion de quatre autres, il apprit à connaître au fil du temps, sans jamais les connaître tout à fait : Audrey, ses découragements, ses chagrins de lecture, ses déchirements qui lui signifiaient si fort son désespoir de n’y arriver jamais ; Jade, en communication soudain avec un autre monde, qui geignait et pleurait, et reprendrait tout à l’heure son visage de petite fille bien sage ; Lahoucine, Lahoucine et son père, Lahoucine qui trottinait derrière son père, ce père, le vrai, venu prendre des nouvelles de son fils, ces nouvelles qu’il écoutait, attentif, de la bouche de cet autre, tout aussi paternel, puis qui tournait les talons, satisfait des réponses qui lui avaient été fournies ; Mathis et ses pulsions subites, Mathis qui était comme ça, « ce comme ça opposant à l’entendement adulte la résistance du basalte ». Je pourrais également parler d’Adama et d’autres encore…

Un monde à part, l’école Julien Lacroix ? Oh, non, je ne crois pas. Je voudrais ne pas le croire. Et pourtant, si, certainement, où régnait, du moins pour le maître, pour Jean Miniac, rien à voir avec l’instit’, pour l’animateur qu’il a été, un mystère plus épais que dans les autres classes. Ce mystère qu’il laissait derrière lui, chaque soir, après l’avoir vécu. Jusqu’à ce jour où, là-bas – c’est le sentiment que nous donne Jean Miniac, et que nous éprouvons à notre tour en refermant le livre –, il a laissé son âme, ou, pour être plus vrai, tant était grand son émoi lorsqu’il fit ses adieux aux enfants, il l’a abandonnée, ou bien perdue – c’est comme on veut –, et plus malheureux que les pierres, s’est retrouvé seul, tout seul, sans eux. Et sans avoir pu ou su percer le mystère de l’enfance qui, derrière les murs d’une école, se dérobe aux adultes...

Lisez Jean Miniac et laissez-vous emporter par son attentive tendresse. Béquille d'école, aux Editions Conférences.

 

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