La Cathédrale, de Olivier Larizza (Ed. Orizons)
Un bien beau livre, un livre enchanteur, le livre, sans doute, après l'accablement, de la rédemption. En tout cas, un roman qui ne peut laisser indifférents ceux qui, un jour, ont eu à connaître la disparition d'une mère. Plus fort que la mort, continuer à vivre quand elle vous emporte le meilleur de vous-même : que dire, encore, lorsque, vous-même, à l'être tant aimé, vous avez offert ce dernier baiser, celui qui glace, pour le sauver certainement de souffrances inutiles ?
En relisant ces mots, j'ai le sentiment d'avoir écrit ce par quoi j'aurais pu terminer. Peut-être, tout simplement, était-ce, il y a quelques minutes, parce que, déjà, j'étais pressé de dire tout le bien que je pense du dernier roman que nous a livré Olivier Larizza : une histoire extraordinaire, une fable, où l'irréel se mêle au vécu, la douleur à la joie.
Sa mère vient de mourir, on devine déjà de quelle idéelle manière, quand le narrateur, un jeune homme de trente et quelques années, se retrouve à Madrid, ou dans les alentours, dans les bras ou presque d'un fou mystique, bâtisseur à lui seul d'une cathédrale, l'une des dernières, pourquoi pas ?, une cathédrale de fin de monde, construite de bric et de broc, soutenue, maintenue droite et fière par la foi sans pareille de son créateur, un dénommé Fernando, notre père à tous ou qui, du moins, pourrait l'être.
Comment se passer de la présence d'un tel homme ? Bougon, bourru, mal embouché, mais génial, et simple, et plus vigoureux, c'est probable, qu'un Robinson qui aurait, enfin, trouvé son Vendredi ? Pour lui, on ferait tout, quitterait tout, serions capables du pire comme du meilleur. Et pas seulement nous, lecteurs, mais plus encore le narrateur, bien entendu, ce viajero qui nous montre le chemin, entraînant à sa suite mille désirs de bien faire, et même les médias, notamment quand il est question pour la municipalité, conduite par le maire le plus détestable qui soit, de réduire à néant quarante années d'effort.
Car, viajero, c'est ainsi que Fernando l'appelle. Mais un viajero, un voyageur hors du temps, qui a détruit, qui a tué celle qui, dans le ciel, juste sous le soleil, rayonnait de mille flammes : sa mère, sa cathédrale ; et qui, rongé, dévasté par la honte ou le remord, a soudain fui son père, l'abandonnant à sa détresse, dans l'espoir unique, aussi fou que le rêve de son vieux compagnon, de le retrouver un jour, de le mériter, de mériter son amour, à son tour bâtisseur de cathédrale, ce que sont bien souvent, mais à leur façon discrète, les écrivains.
Ainsi, après avoir vécu son histoire, après en avoir tissé chaque chapitre, chaque ligne peut-être, notre viajero retournera chez lui, un moment chez ce père qu'il osera regarder à nouveau ; puis, cette histoire, il l'écrira, pour que tout le monde sache ou comprenne que, bien souvent, c'est en sauvant les autres que, soi-même, on s'ouvre ou se donne à la vie.
Un style fluide, à la mode, comme on dit, et fruité comme, souvent, les comparaisons qu'Olivier Larizza nous propose. Comme il doit aimer les fruits rouges ! Une aisance évidente. Un roman qui nous en dit long, l'air de rien, sur des questions éternelles, mais que l'on se pose tous.