Cutter, de Yves Ravey (Minuit)
Comme d'autres écrivains publiés aux Editions de Minuit, Yves Ravey a le génie du roman percutant, de l'histoire courte, au suspens haletant, du bijou qu'on ne lâche que parce qu'un fâcheux, soudain, intervient dans votre vie de lecteur passionné. Le dernier opus de cet auteur, à mon goût méconnu, s'appelle " Cutter ". L'avant dernier, publié en 2008, sauf erreur, avait pour titre " Bambi Bar ". Et l'un comme l'autre sont des chefs-d'oeuvre du genre.
Lili et Lucky, admis à l'Institut de Surveillance, entrent un jour par semaine au service des Kaltenmuller. Il faut dire que monsieur Pithiviers, oncle de Lili et de Lucky, et homme à tout faire de madame Kaltenmuller, a bien favorisé les choses. Chez les Kaltenmuller, l'atmosphère se révèle très vite assez trouble. Monsieur et madame Kaltenmuller s'entendent-ils vraiment ? A leur côté, quel rôle joue effectivement monsieur Pithiviers ?
Un matin, monsieur Kaltenmuller est découvert mort, assis au volant de sa Ford Taunus, asphyxié certainement par les gaz d'échappement. S'est-il suicidé ? ou bien l'a-t-on un peu aidé ? Dans le même temps, Lili, la soeur de Lucky disparaît. Enlevée, semble-t-il, comme moultes fillettes, par un trafiquant d'enfants. La retrouvera-t-on un jour, ou jamais, en Turquie, sur un marché d'esclaves ?
Quant au cutter, lui qui justifie le titre du livre et dont on se sert, notamment, pour châtrer de malheureuses bêtes, que vient-il faire dans tout cela ?
Heureusement, Saul intervient bientôt, qui, grâce à Lucky, qui n'a plus qu'une chose en tête : retrouver sa soeur, mène rondement l'enquête.
Yves Ravey a le talent multiple : si ses personnages sont complexes, généralement peu nombreux, il ne nous encombre pas de considérations inutiles ; son style, enlevé quand il faut, est quasi chirurgical, linéaire, descriptif également, mais comme une pointe sèche : s'il ne manque pas un trait, pas une courbe, en revanche, tout est dégraissé avec minutie ; de la sorte, les personnages évoluent sous nos yeux, au fils des mots, avec évidence et justesse sans que l'on perde pour autant l'émotion, le frémissement, et le désir, comme eux, d'aller au bout, d'en sortir vivant, de reprendre notre souffle. Un charme fou. Superbement efficace.