Renée Camps, de Jean-Noël Pancrazi (Gallimard)
De Jean-Noël Pancrazi, je me souviens d'avoir lu avec bonheur " les Quartiers d'Hiver " et " Le Passage des Princes ". Je me souviens aussi de " Madame Arnoul " et, bien plus récemment, de ce livre rare " Les Dollars de sable ".
C'est un peu par hasard, en fouillant dans le fond Gallimard que propose la librairie Fontaine, rue Laborde, à Paris, que j'ai mis la main sur " Renée Camps ", ce récit, publié en 2001, où Jean-Noël Pancrazi évoque avec amour, mais distance aussi, les derniers jours de sa mère, les agrémentant, sans qu'on n'y prenne garde, de retours dans un passé sinon douloureux, souvent empreint de regrets.
Comme j'avançais dans ma lecture, je ne pouvais m'empêcher de penser à " Madame Arnoul " et de l'y comparer, songeant à part moi qu'il avait dû être plus facile à Jean-Noël Pancrazi d'évoquer cette dernière. Bien sûr, " Renée Camps " ne peut laisser indifférente, mais il y avait tant de douceur, tant de ressenti vrai dans " Madame Arnoul ", et si peu de retenue aussi, que Jean-Noël Pancrazi, beaucoup plus libre, nous la rendait presque onctueuse, comme une crème sucrée, pleine de bonheur. Ici, au contraire, mais peut-être était-ce volontaire ?, il y a de la sécheresse, comme si tous les efforts de l'écrivain, et il y en a, dans le style, ces phrases à n'en plus finir dans les méandres desquelles on aime habituellement se perdre, restaient peine perdue.
Je viens d'écrire que cette différence de ton a peut-être été volontaire. A dire vrai, je ne le crois pas. Jean-Noël Pancrazi nous parle de lui, qu'il s'agisse de " Madame Arnoul " ou de " Renée Camps ", mais ce " lui " n'est plus le même : enfant d'un côté, c'est de son enfance qu'il nous parle ; adulte de l'autre, c'est l'adulte qui s'exprime. Toute la différence est là. Cette liberté, ce bonheur de vivre qu'il avait tout gamin, il les retrouve et nous les fait partager dans " Madame Arnoul ". Avec " Renée Camps ", il ne nous livre rien de cette joie, car elle n'existe pas, elle n'existe plus, ce qu'il nous dit, c'est la solitude dans laquelle il a laissé sa mère trop souvent, c'est l'absence de parole, l'oubli du partage. Pendant des années il a vécu sa vie, lui, à Paris, la perdant de vue, l'effaçant presque, parce que trop lointaine, trop éloignée, elle, là-bas, à Perpignan.
Quand un homme se débat avec ses contradictions et retient ses pleurs. Et, finalement, retrouve l'être cher à
la mort de celui-ci, comme compagnon de voyage.