L'homme facile, de Catherine Breillat (Christian Bourgois)
" C'est à ce moment qu'il a irrémédiablement envie d'elle et qu'il lui met une musique russe qu'elle réclame à cris et à corps (en le caressant tellement bien qu'il oppose une résistance dure qui vaincra les siennes très facilement et il en viendra à bout - jusqu'au plafond, la matrice). "
Le premier soir, on s'interroge. On se demande si la fatigue de la journée n'y est pas pour quelque chose. Parce que, tout de même, ce roman, on se souvient très bien du succès qu'il a eu, ou, du moins, qu'on lui a accordé en son temps. Entendons-nous ! Par on, ce sont les autres, tous les autres à l'exception des vrais lecteurs, qu'il faut entendre. C'est à dire ceux qui ont tout fait pour convaincre le lecteur potentiel d'acheter le roman en question, non de le lire - de toutes les façons, et c'est heureux, ils n'en ont pas encore le pouvoir.
Le deuxième soir, quand on reprend le livre, disons qu'on en est arrivé à la trentième page, on s'aperçoit très vite qu'on a tout oublié de ce qu'on a lu la veille. Alors on suppose qu'il doit y avoir un problème. Et on cherche une explication. Surtout qu'il n'y a aucune raison, a priori, pour que la faute en soit à l'auteur. C'est donc ailleurs qu'il faut chercher le hic. Et la meilleure façon de le trouver, c'est encore de tout recommencer depuis le début et de se dire ensuite : demain, on verra bien.
Survient tout naturellement le troisième soir. Et là, nouvelle panne ! Bon sang, mais de quoi est-il donc question dans ce bouquin ? D'une femme qui écrit à propos d'un bonhomme ? D'accord, mais l'histoire ? Le fil conducteur ? Alors, le livre, on se prend à le feuilleter lentement, on s'arrête à certaines pages, on s'aperçoit que la ponctuation est des plus hésitantes, quand elle ne fait pas défaut. On remarque également qu'il y a parfois des lignes incomplètes, des parenthèses ouvertes mais jamais refermées, etc. On s'imagine alors avoir tout compris : tout ça, c'est de la faute de l'imprimeur qui a fait n'importe quoi et de l'éditeur qui n'a pas su l'en empêcher.
Quand arrive le quatrième soir, on se dit qu'on est certainement dans l'erreur la plus complète. Car les critiques littéraires, eux, s'il y avait eu tant d'erreurs, ils s'en seraient tout de même aperçus, pas vrai ? Quoi que... A moins qu'ils ne l'aient pas ouvert du tout, le bouquin, et qu'il ne s'agisse finalement que d'une opération marketing bien orchestrée ? Mouais...