Les Eaux douces d'Europe, de Edouard Brasey (Ramsay)
Jusqu'alors, je n'avais lu aucun ouvrage de Edouard Brasey. Un écrivain dont la plume, cependant, paraît intarissable, vu la conséquente sélection d'ouvrages qui nous est proposée à la fin de ce livre, intarissable et variée. Outre le fait qu'il publie également sous divers pseudonymes. De quoi s'agit-il ici ? D'un roman que je qualifierai d'intimiste où l'intériorité l'emporte, et de loin, sur l'action. " Roman de la mémoire et de la quête du père ", nous dit-on en quatrième de couverture. " Roman consacré à une ville attachante, située à mi-chemin entre l'Orient et l'Occident, et qui nous révèle ici tous ses charmes : Istanbul. "
Mais c'est d'abord sur l'écriture que je souhaite m'arrêter. Certainement l’élément essentiel de ces Eaux douces, si douces et suaves, je dois l'avouer, qu'il m'a fallu retenir ma lecture tant je redoutais d'arriver au point final.
Rares sont les œuvres qui me font cet effet. Dont la qualité du style, une voix chantante, qui susurre à l’œil autant qu'à oreille (est-ce possible ?) me promet, parvenu à la dernière phrase, un supplice, une frustration ô combien douloureuse.
Oui, j'aime ces écrivains qui savent parler à mon oreille. " Je m'étais accoutumé à l'odeur de ma propre mort comme je m'étais accoutumé aux chants étranges et dissonants de ma désespérance... " Regardez comme cela coule... A mon oreille et à l'ensemble de mes sens, les rassemblant chacun dans un même écho...
L'histoire, vient ensuite. Mais est-ce vraiment une histoire ? C'est Istanbul en hiver. La neige et le froid, les minarets qu'enveloppent des filaments de brume, et cet homme, cet inconnu, ce vieillard toujours fuyant, que le narrateur, malgré la foule grouillante, retrouve ici, puis là, puis ailleurs encore. Et ce docteur Burgess, attachant, bizarre, rencontre improbable et folle d'un personnage " louvoyant entre deux eaux, entre deux âges, entre deux sexes." Et cette femme - ah, ces femmes, pour qui Les Eaux douces d'Europe sont avant tout le domaine, riches Européennes ou sombres Arméniennes, Grecques agiles ou Juives au teint pâle... -, cette femme, danseuse du ventre, au ventre si doux, si maternel...
Non, je n'en dirai pas davantage... Une réussite, en tout cas, et une belle écriture, c'est assez rare.