Venise, cet hiver...
Venise. Début février. Les jours sont tranquilles, sans doute moins qu'à Clichy, mais plus radieux que l'année dernière, à la même époque, où le soleil ne réchauffait pas encore les façades du Zattere. Cette fois, les Vénitiens se croient au printemps : un verre de coca à la main, entre midi et deux, ils profitent déjà des premiers rayons. Vers seize heures, pourtant, l'hiver se rappellera à eux. Les ruelles seront à nouveau glaciales. Un vilain vent engourdira la ville, et San Marco, jusqu'au lendemain, retiendra son souffle.
Japonais ou Chinois ? Je suis incapable de savoir lesquels l'emportent sur les autres. Peu importe ! Ils sont majoritaires ici et occupent joyeusement gondoles et gondoliers. En revanche, ce qui est sûr, c'est que les boutiques de sacs en cuir, je ne mens pas, il doit y en avoir une tous les cent mètres, sont toutes tenues par des Chinois. Je le sais, parce qu'on me l'a dit. Sinon, j'hésiterais encore : Japonais ou Chinois ?
Au détour d'une rue, cette ragazza, idéalement photographiée par Vittorio Pavan : Claudia Cardinale, plus belle que jamais. Je suis à deux pas de la Strada Nuova qui me conduirait jusqu'à la gare si l'envie m'en prenait. Mais c'est à la Ca' d'Oro qu'une fois encore me conduisent mes pas. De la terrasse du premier étage, un long moment, je me laisse aller par le va et vient des vaporetti, taxis et autres gondoles qui animent le Grand Canal jusque tard dans la soirée. Ensuite, je m'arrête devant le Saint Sébastien de Mantegna, à moins que cette vue du môle de Guardi ne me fasse signe...
Concert à la chiesa San Vidal. Il est 20h30, les Interpreti Veniziani se
mettent en place. Comme il se doit, nous sommes là pour écouter Les Quatre Saisons, je devrais dire : pour les vivre. Bien sûr, comme tout le monde, j'imagine les
connaître par coeur. Pourtant, chez chacun de leurs interprêtes, il y a toujours ce petit quelque chose, surtout ici, qui nous donne l'impression de les découvrir. Le concert se termine par
La Ronde des Lutins d'Antonio Buzzini. L'occasion pour Giacobbe Stevanato, au violon, de nous démontrer l'éclatance de son talent. Une virtuosité inégalée, mêlée d'une belle sensibilité.
A l'Academia, tout est bouleversé. L'année dernière, déjà, on ne s'y retrouvait pas. A
présent, c'est l'envers par dessus l'endroit. En fait, je n'y viens plus que pour quelques oeuvres, celles qui m'intéressent, ou plaisent à mon coeur. Comme ce portrait de Jeune
Homme, de Hans Memling, ou encore le Ritrato di Giovane Gentiluomo nel suo Studio, peint par Lorenzo Lotto. Et quelques
autres. Il fait tellement froid, en bas, à l'entrée de la galerie, que plus personne en ce moment ne contrôle les billets.
Ce jour même, à cette heure.