Le Temps de l'oubli, De Borée, Pierre Silvain et moi...
Dans cinq jours maintenant, " Le Temps de l'oubli " sera en librairie ; les librairies en ligne n'indiqueront plus " à paraître " ; les dés seront jetés... Bien sûr, je sais que ce n'est pas avec un appétit d'ogre qu'on se jettera dessus... Pourtant, malgré la crise, malgré les politiciens, ces hâbleurs, bonimenteurs et autres foutriquets qui, en ces temps assez durs, s'amusent prétentieusement par-dessus nos têtes, je veux y croire...
En tout cas, je garderai le meilleur souvenir du travail que j'ai effectué avec mes interlocuteurs "privilégiés" chez De Borée... Travail rare et de qualité où écrivain et éditeur se tiennent la main pour donner au lecteur, chacun à sa façon, le meilleur de lui-même. Il y a trente cinq ans, lorsque j'ai publié mon premier roman, chez Calmann-Lévy, c'était ainsi. Roger Vrigny, directeur littéraire de cette noble maison, nous (les auteurs) indiquait nos erreurs, nous aidait à les corriger ou à parfaire ce que nous trouvions pourtant déjà très bien.
Aujourd'hui, hélas, ce n'est plus que rarement qu'un éditeur intervient dans le travail de l'écrivain. Et c'est assez désolant... D'autant plus d'ailleurs, que, bien souvent, ce que l'on nous donne, et que les journalistes encensent entre eux sans honte ni vergogne, voire en famille, n'a plus d'apparence et de fond que ceux d'une purée mal écrasée, fade, sans ciboulette ni persil. Et le plus malheureux dans tout cela, c'est que le lecteur, faute de grives, se contente sans mot dire de ces merles !
Aigreur, direz-vous ? Non, simple constatation qui ne date pas d'hier et que formulait déjà l'Académicien français Bertrand Poirot-Delpech, en 1977, alors feuilletoniste du Monde des Livres, à propos de deux ouvrages sortis cette même année, l'un de Jean Daniel, Le Refuge et la Source, l'autre de Pierre Silvain : Les Espaces brûlés.
Voici ce qu'il écrivait : " Des deux "pieds noirs " qui évoquent cette semaine leur enfance au Maghreb, on peut parier sans les avoir lus que Jean Daniel fera plus parler de lui que Pierre Silvain. Le premier va en effet profiter, comme auteur, de la notoriété et du pouvoir acquis comme directeur d'un grand hebdomadaire, alors que le second, dont dix livres remarquables mais confidentiels n'ont su briser l'anonymat de petit fonctionnaire, devra attirer l'attention par les seuls mérites de son écriture, ce qui ne constitue plus désormais une recommandation suffisante. "
Peu de temps après, Bertrand Poirot-Delpech avait gagné son pari ! Après avoir publié sept ouvrages au Mercure de France, dont Les Espaces brûlés, Pierre Silvain fut gentiment prié ensuite, on saisira l'euphémisme, par le dirigeant de l'époque, de chercher un autre éditeur.
Ce jour même, à cette heure.