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Publié par Gérard Glatt

la-tete-en-friche.jpgUn film sans prétention, mais un film réussi. La rencontre improbable d'un lourdeau sympathique, illettré ou peu sans faut, avec une libellule, extraordinaire vieille dame qu'une légère brise emporterait au loin. Gérard Depardieu est ce lourdeau, un dénommé Germain Chazes, dont le jeu est admirable, une fois encore, de simplicité balourde, aux réactions superbement dirigées par un metteur en scène, Jean Becker, qui aime ses acteurs et nous les fait aimer. La libellule, c'est notre fine Gisèle, Gisèle Casadessus, autrement baptisée pour l'occasion Margueritte, Margueritte avec deux t. Et de cette Margueritte là, comme Germain, on ne se lasse jamais tant la délicatesse habille ses lèvres, et ses yeux, et ses rides minuscules qui nous la donne à deviner comme une carte de France au relief discrètement habité, et sa voix menue, aux accents amusés, toute étonnée, à cet âge, de s'entendre lire.

 

Germain Chazes n'a pas été aimé, enfant, n'a pas été voulu, pourtant il aime sa mère, cette insupportable mégère, admirable Claire Maurier. Germain Chazes est moqué par ses copains de bistrot, avec qui il joue au cartes. Mais Germain a surtout un coeur en or, un coeur qu'il réserve le plus qu'il peut à Annette, sa copine. Ou encore à la patronne du bistrot qu'il console à sa façon, très drôle mais tendre pourtant, quand Youssef décide de la quitter pour une autre, plus jeune, plus fraîche. Oui, tout est tendresse, dans ce film, mais sans miévrerie. Tous, ici, on besoin d'aimer ou d'être aimés, mais il n'y a pas de cris, pas d'appels au secours. Tout cela, le malheur comme ce bonheur final, inattendu, on le vit avec eux, avec ces personnages si vrais qu'en sortant du cinéma, on a l'impression de les emmener un peu avec soi. Hélas, cela ne dure pas : car la rue a tôt fait de nous rappeler à l'ordre !

 

Un film à voir, à méditer, un film où la lecture, comment n'y serais-je pas sensible, est essentielle. Mais pas n'importe quelle lecture : il est ici question de littérature. Car c'est avec elle, avec la littérature, avec ces histoires de conteurs que Margueritte, dans sa maison de retraite, partage ou plus exactement donne encore un sens à sa vieillesse. Comme ce sera encore avec elle, ou par elle, que Germain existera enfin autrement qu'à travers l'image de lui-même que les autres lui renvoyaient jusqu'alors. Oui, décidément un très beau film. Et un très beau roman, certainement, que celui de Marie-Sabine Roger, paru sous le même titre aux Editions du Rouergue, et dont beaucoup, beaucoup trop de gens, on oublié de dire que ce film est tiré.

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