A Cancale : Des Hommes et des Dieux
Au cinéma Le Duguesclin, à Cancale, soirée exceptionnelle. On y donne le film de Xavier Beauvois : " Des Hommes et des Dieux ", en avant-première. A titre exceptionnelle, cette séance a lieu un samedi, au lieu du mardi habituel. Le samedi 4 septembre 2010. Elle sera suivie d'un débat où seront notamment présents des parents du Père Bruno, l'un des moines de Tibhirine, enlevés puis exécutés on sait de quelle atroce manière.
Pendant que, sous nos yeux, se déroule l'histoire, une histoire véritable, et non un documentaire, pas un mot, pas un souffle dans la salle comble. L'écoute est parfaite. Un moment, je me demande si le public n'a pas été acquis d'avance à ce qu'il est venu voir. Mais, non, parce que moi-même, qui ne suis d'aucune ferveur, je me sens très vite pris à la gorge par ce que les acteurs m'imposent ; je veux dire : pas uniquement les moines, mais également les rebelles ; ce rebelle, notamment, dont le père prieur aura la tache difficile de reconnaître le corps mutilé, puis qui priera pour son repos, debout et naturellement fier de sa foi, devant des soldats finalement peu dignes.
Lambert Wilson est un père Christian inspiré ; Michael Lonsdale, inoubliable " bon homme", plus que cela encore. Philippe Laudenbach m'a ému jusqu'aux larmes : malade, et un moment prêt à tout pour revenir en France, ne dit-il pas à ses ravisseurs, dans un sursaut de clarté qu'il est au contraire bien portant. Quelle image sublime du père Célestin ne nous donne-t-il pas là. Les autres acteurs, cette fois, je ne parle que des pères, sont de la même veine, qui s'oublient pour n'être que ces pères désespérés, mais plein d'espoir pourtant, par fidélité à leur foi, à leur devoir d'homme envers les hommes.
Que dire encore de certaines scènes, inoubliables, que le cinéma, j'en suis persuadé, retiendra dans son anthologie parmi les plus parfaites ? Car la perfection est de ce monde, bien que le monde nous en fasse parfois douter, les moines de Tibhirine nous l'ont démontré en élevant leur sagesse jusqu'au divin sublime ; et pourquoi pas Xavier Beauvois, esthète magnifique, qui nous fait oublier de si belle manière que des acteurs géniaux, cela existe aussi ?
Le générique de fin n'en finit plus, mais personne ne bouge. Oui, on ira jusqu'au bout. Nous leur devons bien cela. Ce minimum de respect. Et puis, pourquoi le nier, il nous faut bien ce générique pour reprendre pied, nous réinstaller dans notre quotidien. Par la suite, nous écoutons les quelques témoignages annoncés. La salle demeure attentive. Seules, trois personnes se sont levées... Quelques pas feutrés, rien de plus.