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Publié par Gérard Glatt

J'avais promis, c'était au mois de novembre 2020, de nouvelles chroniques. Seulement, voilà, l'écriture me prend par ailleurs, l'écriture de mes propres ouvrages. Et souvent, peut-être trop, je ne sais pas, j'ai dû mal à abandonner mes personnages. Voici donc trois nouvelles lectures, des lectures qui m'ont fait du bien. Pourquoi ? Tout bonnement parce que j'aurais aimé avoir écrit ces trois livres : le truculent et réfléchi roman de David Zaoui, Le Peintre du dimanche (le Livre de Poche) ; Le premier homme (Folio) de notre Prix Nobel de littérature Albert Camus ; et pour finir, paru aux éditions du Signe, La rivière du pardon, de Martial Debriffe

Dans le désordre, je commencerai par La rivière du pardon qui nous conte l'histoire dramatique de deux jumeaux, Hippolyte et Constantin Schuster. Tous deux travaillent à l'usine De Dietrich, en Alsace, tout en poursuivant l'exploitation de la ferme familiale et d'un élevage de chevaux qu'ils ont hérités au décès de leurs parents. Nous sommes en 1914, et l'Alsace est allemande. La guerre se profile. Constantin ne veut pas se battre contre la France. Aidé en cela par son patron, il choisit de déserter et est embauché chez Louis Renault, à Paris, abandonnant son frère, désespéré. A Paris, Constantin mène la belle vie, il multiplie les conquêtes féminines et les sorties dans les lieux à la mode. Excellent chanteur, il parfait sa voix et devient baryton renommé. Rien de tout cela pour Hippolyte, victime d'un accident, amoureux transi d'une belle Madeleine, mariée à Hector qui, de retour de la guerre, lui mène une vie d'enfer... Que dire de plus ? C'est déjà beaucoup. Passion et déchirements composent ici une magistrale symphonie familiale que ponctuent l'actualité de l'époque, la Première Guerre mondiale, puis la France qui se relève. Martial Debriffe ne nous laisse aucun répits, comme lui, que je connais un peu, La rivière du pardon est pleine de fougue et de générosité. Son titre est l'un des premiers de la toute nouvelle et très belle collection Roman poche des éditions du Signe.

Et puis, il y a Le premier homme d'Albert Camus. (chez Folio) Il s'agit de l'œuvre à laquelle il travaillait au moment de sa mort. " Le manuscrit a été trouvé dans sa sacoche, le 4 janvier 1960. Il se compose de 144 pages tracées au fil de la plume, parfois sans points ni virgules, d'une écriture rapide, difficile à déchiffrer, jamais retravaillée." En quatrième de couverture, ceci nous est donné : " Il (Albert Camus) avait jeté les bases de ce qui serait le récit de l'enfance de son premier homme. Cette rédaction initiale a un caractère autobiographique qui aurait sûrement disparu dans la version définitive du roman. " Si je mets cela en avant, après avoir lu Le premier homme, c'est parce que je me demande ce qui peut permettre ainsi à X ou Y, proche ou non, tandis que l'auteur d'un texte n'est plus, de préjuger de ce qu'il aurait fait ou aurait pu faire de son vivant du récit qui nous est ici proposé. S'il l'avait écrit de la façon dont il l'a écrit, n'était-ce pas parce qu'il avait une bonne raison de le faire ainsi au moment où il l'écrivait, dans la prescience peut-être de sa disparition prochaine ? plutôt que pour tout gommer par la suite de ce qui était lui, rien que lui, de sa naissance jusqu'à son adolescence. Albert Camus se raconte, il est Jacques Cormery, le Cormery qui, partant à sa propre recherche, se revoit courir dans les rues d'Alger, se faisant gronder par sa grand-mère sous l'œil indifférent de sa mère, cette mère qu'il aimait tant et à qui ce livre devait être dédié ; il est le Jacques prit sous l'aile protectrice de monsieur Germain, son maître d'école. Le livre est de toute beauté, mais pas que. Il m'a emporté bien plus que L'Etranger, La Peste ou La Chute, par son authenticité. Pour une fois, nous ne découvrons pas l'homme sous le fard, nul besoin de le réinventer pour dire ensuite d'Albert Camus : " Quel bonhomme ! " Non, rien de tout cela dans cette recherche intime de soi. Albert Camus est là que nous voyons patauger tout gamin dans une espèce de misère, une misère noire étrangement éloignée de l'homme qu'il nous donna par la suite.

Enfin, voici Le Peintre du dimanche de David Zaoui (Livre de Poche). Un roman qui fait du bien. " Déjanté, cocasse, rafraîchissant ", a conclu fort justement Franz-Olivier Giesbert, dans Le Point. Et paru initialement, aux éditions Jean-Claude Lattès, sous le titre Sois-toi-même, tous les autres sont déjà pris, un titre, je l'avoue, qui me plaisait bien plus que Le Peintre du dimanche. Pourquoi du dimanche ? Allez savoir. Ceci étant, que du bonheur ! Tout sourit à Alfredo Scali, peintre ambitieux. Après avoir longtemps galéré, il a enfin été repéré par un important galeriste parisien. Ses parents sont aux anges. Même Schmidt, le singe capucin qu'il a hérité de sa grand-mère, semble fier de lui. Il faut dire aussi que ce petit singe, aux mille malices et grand amateur de beignets aux pistaches, est le véritable auteur des toiles ! Eh oui, c'est comme ça ! Drôle de situation tout de même pour Alfredo. Situation délicate d'où il faudra bien qu'il sorte un jour. Ainsi sommes-nous entrainés dans une aventure ubuesque, au suspense haletant. J'exagère, c'est vrai, mais à peine. Je dois dire que j'ai eu un plaisir fou à lire ce livre. Aussi agréablement fou, j'en suis sûr, que celui que David Zaoui a dû avoir à l'écrire.

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