Orazio, de Christophe Matho (Ramsay)
A plus d'un point, Orazio, le premier roman de Christophe Matho, ne pouvait me laisser indifférent. Tout d'abord, parce que ledit n'est pas seulement romancier, mais aussi directeur éditorial des éditions Ramsay. Honorable maison, s'il en est, qui, au mois d'octobre de cette année, nous sommes en 2020, publiera Tête de Paille, mon nouveau roman. Ensuite, parce qu'un ouvrage qui a pour essentiel, c'est du moins ainsi que je le vois, de nous rappeler l'immense écrivain - écrivaine lui-aurait-il convenu ? je n'en suis pas si sûr - qu'était et demeurera longtemps encore George Sand, ne pouvait qu'émoustiller le passionné que je suis. Et puis, enfin, parce que l'Oubli avec un O majuscule, et la crainte qu'il suscite est à ce point capital pour moi qu'il constitue l'un de mes titres, à savoir Le Temps de l'oubli. Ce temps contre lequel, dans cet ouvrage, je me rebelle farouchement. Or, précisément, dans Orazio, qui, un jour, a craint d'être oublié ? Qui, un jour, a fait acte de rébellion en imaginant la chasse au trésor que Christophe Matho, avec élégance et finesse, nous rapporte ici ? George Sand, elle-même.
Le propos de l'ouvrage, la quatrième de couverture nous le précise sans ambages, si bien que dès le livre ouvert nous savons où nous devons aller, où l'auteur souhaite nous conduire. En septembre 2012, un éditeur - qui se prénomme Christophe... - est convoqué chez un notaire qui lui remet un manuscrit confié à son étude des dizaines d'années plus tôt. Il s'agit d'un roman écrit par une auteure très célèbre en son temps, qui craignait que la postérité ne l'oublie. Par jeu ou par malice elle a organisé la découverte de cet ouvrage sur la base d'énigmes à résoudre...
Nous allons donc remonter dans le temps... Et nous retrouver bientôt en Italie, dans le nord de la Toscane, à Lucca, petite ville située à une dizaine de kilomètres de Pise. A ce moment, le fascisme s'impose, et sa violence se décuple. Orazio Franceschi, la trentaine peut-être, s'en détourne, mais son frère Umberto s'est laissé embrigader, qui tente par tous les moyens de le rallier à cette cause... Comme Orazio vient de recevoir l'initiation maçonnique, Ettore Salvini, vieille connaissance de lycée et petit chef fasciste, lui braque une arme dans le dos... Orazio se défend, dans la bagarre Salvini meurt... Ainsi, Orazio se trouve-t-il bientôt dans l'obligation de fuir sa ville, puis son pays. Ainsi, se retrouvera-t-il en Corse, et de là aboutira-t-il à Marseille... Par quels faits du destin atteindra-t-il le centre de la France ? et rencontrera-t-il Armance ? Par quels faits du destin son chemin le conduira-t-il jusqu'aux énigmes imaginées par la célèbre auteure ? et parviendra-t-il à les résoudre ? Dans le même temps, comme en plans simultanés, Christophe Matho nous donne à mieux connaître, sans toutefois la citer, la facétieuse auteure, qui discourt avec son fils Maurice, de ses écrits, de son éditeur Michel Lévy, et même d'un certain Ollendorf, futur éditeur lui aussi, et puis de cette oeuvre, ce roman, Le Meneur de loups, qu'elle laissera volontairement inédit et fera, peut-être, la bonne fortune de... Mais ce sera bien plus tard...
L'auteur est habile et la manière ne laisse pas indifférent, qui, par l'entremise de son héros, sans doute un peu lui-même, nous donne à partager son attachement au pays de George Sand, celui-là même où il coule ses jours. Que dire de plus ? Sinon que la réussite est là ! A découvrir.
Et puisqu'il est question de George Sand, et d'Orazio Franceschi, voyageur et migrant malgré lui, pourquoi ne pas en profiter pour lire ou relire également Un hiver à Majorque ? ainsi que ces savoureux Voyages en Auvergne que proposent les éditions Paléo ?