Lecture 2019 (4) : Jesse le héros, de Lawrence Millman (10/18)
Chef-d'oeuvre du noir, nous dit-on, mystérieusement resté inédit en France depuis sa parution en 1982. Chef-d'oeuvre assurément qu'il est quasi impossible de lâcher et superbement traduit, j'allais écrire interprété, de l'anglais (Etats-Unis) par Claro. Nous sommes en 1968. A l'heure où les Américains s'enlisent au Viêtnam. Ils ne s'en retireront progressivement qu'à partir de 1972. Jesse est borderline, idiot ou cinglé ? on ne sait, handicapé mental, serait plus simple à dire. Son père s'occupe de lui, il a bien du mal. Quant à son frère aîné, Jeff, qu'il idolâtre, il va bientôt rentrer du Viêtnam. Ce pays, cette guerre, dont les images hantent Jesse tant le jour que la nuit. A cause de ce frère ? C'est probable, et même certain. Ce grand homme dont il veut, dont il doit être l'égal. Mais qui, à son retour, achèvera de mettre le désordre dans la tête de Jesse... Jesse, Jeff, deux prénoms si proches. Dira-t-on que c'est pour rien ? ou seulement le fruit du hasard ?... Bien entendu, je m'arrête là... Lire Jesse le Héros, c'est bientôt devenir Jesse, le fêlé, l'Andouille du coin... Si les deux premières pages peuvent surprendre, très vite, pour ne pas dire dans l'instant, c'est à travers les yeux de Jesse que le lecteur appréhende le monde, son monde à lui, avec son jugement à fendre l'âme, ses espoirs, ses envies de sexe, d'alcool, de liberté, de Viêtnam au-delà des collines, terre envoûtante qu'il tentera en vain d'atteindre, son refus de la mort, ses expressions natures, à peine supportables. Jesse, un personnage inoubliable. Qui prend aux tripes. Qui souffre. Et nous fait souffrir tant on voudrait le sauver.