Le dernier roman de Gérard Glatt répond plus ou moins aux règles du théâtre classique : le narrateur est pourtant un auteur de pièce de théâtre à succès d'avant-garde.

Unité de temps : une très chaude journée de juillet entre sept heures du matin et minuit.

Unité de lieu : entre le XIème et le XXème arrondissement de Paris, c'est l'un des personnages principaux qui donne son nom à l'endroit.

Unité d'action : que l'on se rassure, elle est beaucoup plus vague, plus fluctuante, plus librement interprétée et les protagonistes vont confronter leurs solitudes avec des résultats variables, même si le premier mot du titre ne laisse guère d'illusions sur le résultat de ces échanges.

Que l'on se parle, que l'on se touche, que l'on s’embrasse, que l'on "couche" à deux ou en partouze, en privé ou en public, dans un lit ou une backroom, ce roman est celui d'une difficulté de l'échange humain.

Lucide sans vouloir être ni pessimiste ni démonstratif, le dramaturge construit son récit comme une didascalie argumentée qui rebondit d'acteur en acteur sans hésiter à faire des flashbacks sur les trois années précédant la "représentation".

Avec pour dédicace "A toutes celles et ceux qui ne savent pas encore", cette "dramatique d'impasse" est peut-être un coming-out, aux antipodes de la comédie de boulevard. On y trouve en effet, autour de la vieille Héloïse, plusieurs garçons assumant leur homosexualité de diverses manières finement suggérées plus que décrites ou analysées. C'est plus la difficulté de tout rapport à l'autre que son caractère homosexuel qui est au cœur des échanges.

Un sérieux tour d'impasse-passe qui peut donner à chaque lecteur la curiosité d'évaluer ses relations avec son entourage après une journée à la banalité forcément extraordinaire.

Les deux nouvelles ont la même qualité d'émotions : la gamme infinie du vécu d'une journée de combat contre un fichu virus en Hôpital de jour et une mystérieuse Lettre à Willy.

 

Gérard Coudougnan – Les Toiles Roses - 06/2009
 


 

« L'Impasse Héloïse » est le roman de la solitude ; celui qui aime est seul : Antoine est seul en face de Vivien ; Marc le chef d'entreprise quadragénaire en face de Stéphane le gogo-boy, tandis que le narrateur, écrivain à succès, s'interroge sur sa place, en face d'Héloïse, une vieille dame qui croit encore à l'amour.
 

Il n'y a pas de réel dialogue amoureux, seulement une parole, qui se dit, perdue dans le tumulte de chaque individualité ; d'où cette transcription omnisciente du narrateur ; écriture qui tente de prendre la place, là où précisément l'Autre n'est pas. Si chaque histoire a été vécue à deux ou plus, le narrateur – pour fuir la solitude qui le perturbe – est seul à l'écrire. L'absence serait-elle la condition même de l'écriture ?
 

Marc rencontre Stéphane et l'aime totalement. Le meilleur du livre est là : la passion d'un homme dans sa maturité. Stéphane symbolise la séduction ; il est l'étranger, l'être de fuite, le messager qui intensifie la solitude par l'espoir qu'incarne sa jeunesse.


Réflexion sur le destin autant qu'hymne à la vie envers et contre les éléments, ce récit grave, à l'écriture subtilement cultivée, est une réflexion sur l'écriture et la solitude, les deux faces d'une même manière d'être et de vivre. Ce roman illustre à la perfection cette phrase d'Aragon que l'auteur a placé en épigraphe : Il n'y a pas d'amour qui ne soit à douleur. Il n'y a pas d'amour dont on ne soit meurtri.


« L'Impasse Héloïse » a un côté dérisoire et attachant : on y perçoit dans le ressassement, la tonalité de la solitude.


Le roman de Gérard Glatt est un couteau à double tranchant, il faut s'y abandonner et ne pas craindre de s'y reconnaître. Si vous avez la simplicité de sourire du tragique et le goût de la solitude qui permet d'aimer les autres, vous ne tournerez ce symbole de destruction ni vers vous ni vers autrui.


Dans cette fresque du désenchantement, cette saga de la désillusion, l'auteur refuse les flamboyances du récit et ne semble dérouler les péripéties romanesques que pour en démontrer la vanité.


Le pari d'un patchwork de situations, où les mots sont mis au service d'une écriture égotiste, évoque délicieusement le « bégaiement » dans lequel se trouve chaque personnage.


Ce roman nous permet de mesurer nos « impasses » quant au désir ; il faut savoir gré à l'auteur de nous y intéresser sans concessions, avec ce plus romanesque qui rend l'apprentissage heureux.


Jean Yves Alt - Culture & Questions qui font débats - 08/2009
 



Le ton de ce court roman m'a définitivement fait penser au ton du chœur de l'Antigone de Anouilh, pièce que j'affectionne particulièrement. L'écriture est maîtrisée, le propos également. Avec subtilité l'auteur manipule ses personnages, joue avec leurs destins et leurs sentiments (Give me absolute control over every living soul*), s'insinue dans son roman, expose ses propres doutes, et semble laisser au lecteur le choix de la suite, émaillant par-ci par-là ses propres suppositions quant à l'avenir de ses héros (Waiting for the miracle there's nothing left to do**). Exercice intéressant qui évolue d'abord entre le passé et le présent, et finit au futur et au conditionnel. Une très belle plume qui laisse au vestiaire toute fausse pudeur et intègre dans un roman pour tout public des scènes « chaudes » finement décrites.

Une réflexion édifiante sur la vie, l'amour, l'amitié, l'homosexualité. Et un auteur qui cite Léonard Cohen mérite d'être lu !


Homo-Libris - 31/10/2009

* L. Cohen, The Future.
** L. Cohen, Waiting for the miracle.

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