Serge Cabrol (Encres Vagabondes) chronique Le Destin de Louise...
Je ne peux résister au plaisir de donner à lire la chronique que Serge Cabrol, de la revue Encres Vagabondes a donnée du " Destin de Louise ", le 19 novembre 2013. "
Le roman de terroir est un genre à part entière (voir les articles de Wikipédia ou Télérama) avec ses codes, ses auteurs, ses collections, ses lecteurs… Gérard Glatt pratique le genre avec modernité en jouant avec les codes. Un terroir, bien sûr, une famille sur plusieurs générations, une activité professionnelle ancrée dans le sol local, des drames et des bonheurs… Mais ici, on communique avec des téléphones portables, on est confronté à la rentabilité de l'entreprise et les jeunes qui partent à la guerre ne vont plus à Verdun ou dans les Aurès mais dans la vallée de la Kapisa en Afghanistan. Le choix du narrateur est aussi surprenant puisqu'il est collectif, un "nous" qui regroupe tous les habitants de Loupières, près de Clermont-Ferrand, "nous" par rapport aux autres, à Louise, à François, à tous ceux dont on va raconter l'histoire. "Ici, dans notre petite ville, tout se sait ou presque."
Le terroir, c'est donc l'Auvergne et ses forêts, l'entreprise c'est la scierie, la famille est celle qui lui donne son nom, "Charlannes et fils".
Le titre de la première partie contient déjà un drame : l'incendie. Par un bel après-midi de début septembre, après plusieurs semaines de canicule, la scierie est en flammes. Deux fillettes avaient été vues jouant au milieu des planches stockées autour de la scierie et des appels au secours sont entendus venant du cœur du brasier. Le patron, Gustave Charlannes, sans attendre l'arrivée des pompiers, arrose copieusement ses vêtements et se précipite dans les flammes. Le bois est sec, le vent souffle et dans un craquement sinistre l'atelier principal s'effondre. Quand l'incendie sera enfin éteint, on retrouvera les corps de Gustave et d'une fillette ; l'autre était partie bien avant le feu. Mais, surprise, on retrouve un troisième corps alors que personne ne manque à l'appel. L'autopsie révélera qu'il avait reçu un coup à la tête mais ne permettra pas son identification, son ADN n'était pas fiché. Un mort en trop, voilà un mystère qu'il faudra de nombreux chapitres pour éclaircir…
Les assureurs se font tirer l'oreille pour régler les dommages dont le montant a pourtant été fixé par des experts et cinquante-trois personnes se retrouvent sans emploi. Louise, l'épouse de Gustave, qui dispose de biens personnels, décide de reprendre les rênes de l'entreprise et de relancer une partie de la production. Elle va s'appuyer sur Paul Vassalou, le contremaître, et l'entreprise va survivre, cahin-caha, en attendant le versement des assureurs.
Louise Charlannes est l'un des deux personnages centraux du roman. L'autre, c'est François Chang, le gardien des parcs de la ville, que des gamins mal intentionnés et rancuniers ont surnommé "le niakoué". Le racisme n'est pas une tare des grandes villes, il métastase partout et un Asiatique en Auvergne, ça ne plaît pas à tout le monde. Contrairement à ce que pourrait indiquer son nom, François Chang n'est pas chinois mais vietnamien. On apprendra son parcours, le départ de son pays en guerre, la traversée de la mer sur un boat people…
Une étrange amitié s'instaure entre Louise et François que rien pourtant ne semble prédisposer à se rencontrer, à se rapprocher…
Tout en gérant la scierie, Louise s'occupe de ses trois enfants, Hélène, Antoine et Lucien. Au fils des années, car le roman s'étale sur plus d'une décennie, les ados vont devenir adultes. L'aîné Lucien prendra à son tour la direction de la scierie mais il s'avérera très dépensier et peu motivé par les métiers du bois. Antoine choisira l'armée et son régiment l'emmènera dans les déserts d'Afghanistan.
Un jour, un commissaire, Martin Gagne, vient rouvrir l'enquête sur l'incendie. Des années ont passé et, presque par hasard, grâce à divers recoupements, un nom a pu être donné au corps mystérieux retrouvé dans la scierie. Que faisait-il là ? Qui le connaissait ? Pourquoi et comment est-il mort ? Le destin de Louise n'est pas un polar mais rappelle combien la notion de secret fait aussi partie des codes du roman de terroir. Pour vous immerger quelques heures dans l'atmosphère d'une petite ville et partager la vie de certains de ses habitants, n'hésitez pas, Gérard Glatt saura une fois encore vous servir de guide. En le suivant, vous ne regretterez pas votre balade au cœur des forêts d'Auvergne. "
Serge Cabrol - Encres Vagabondes (19-11-2013)
Ce jour même, à cette heure.