Kiki van Beethoven, avec Danièle Lebrun (Théâtre La Bruyère)
Dans la résidence de retraite où elle habite, Kiki vit sa vie, tranquille, entourée de ses trois amies : Rachel, Zoé et Cindie. Un jour, chez un antiquaire, elle voit un masque de Beethoven. C'est le coup de foudre : elle l'achète et, bientôt, ne s'en séparera plus. Grâce à Beethoven, grâce surtout à la musique, ses émotions d'hier, retenues, refusées parfois, comme celles de ses amies, vont peu à peu refaire surface. Tel ce coquillage approché de notre oreille qui, selon le jour, le temps qu'il fait, nous donne à entendre une mer tranquille ou démontée, c'est bientôt tout une existence retrouvée, revécue, mieux comprise, que nous donne à entendre, mais aussi à voir, le masque de Beethoven, unique mais superbe décor, au creux duquel se niche notre Kiki, comme à l'abri du monde, protégée, doucement bercée par la pathétique sonate.
La pièce n'est certainement pas la meilleure de Eric-Emmanuel Schmitt : même si l'idée est bonne, elle ne convainc pas toujours. Elle aurait méritée d'être relue, car poncifs et lieux communs s'y côtoient de temps en temps. Sacha Guitry passe même dans les parages, notre auteur s'appropriant, sans doute par inadvertance, quelques uns de ses bons mots ! Mais n'est pas Sacha Guitry qui veut, est-il encore nécessaire de le rappeler ? Et là où, chez l'un, il y avait naguère du brio, on ne trouve plus, chez l'autre, qu'une certaine facilité.
Mais Daniéle Lebrun est là, heureusement ! Dans le rôle de Kiki, elle se révèle égale à elle-même, pleine de délicatesse, de finessse, de drôlerie quand il le faut, de sensibilité. Incarnant à elle seule une dizaine de personnages : son frère, sa belle-fille, un jeune loubard de banlieue, et ses trois amies, elle nous livre sur un plateau l'échantillonnage le plus improbable qui soit de caractères, et nous les fait tous aimer, tant elle-même se les approprie, précisément, avec amour et justesse. Elle soutient la pièce à bout de bras. Elle lui apporte sa vigueur, sa volonté. C'est ainsi que, nous aussi, on l'aime.
Ce jour même, à cette heure.