Charles Dobzynski, lorsque le poète part en voyage...
(extrait de la lettre que j’ai adressée au tout début de ce mois d’octobre à Jean-Baptiste Para, rédacteur en chef de la Revue Europe)
Cher Jean-Baptiste Para,
(…)
Charles Dobzynski, même si je le voyais très peu, était toujours présent à mon esprit. Comme le sont toujours Roger Vrigny, qui édita mon premier roman chez Calmann Lévy, et Jean-Markale, l'un et l'autre que avais eus comme professeurs, et Pierre Silvain qui m'écouta pendant près de quarante ans. Charles Dobzynski, justement, je l'avais rencontré en 1977, à l'occasion du premier salon du livre de Villeneuve d'Ascq. C'était aussi mon premier salon…
Sans qu'il le sache - mais doit-on savoir ces choses-là ? -, il était l'unique survivant de mes années les plus belles, celles où, au tout profond de moi, vivait encore l'espoir d'une écriture réussie, comme l'était la sienne, et peut-être aussi reconnue.
Aujourd'hui, je l'avoue, des quatre colonnes qui soutenaient le temps, modeste temple, temple à ma mesure, de ces quatre colonnes, il n'en reste plus une. La dernière, celle du poète, s'est effondrée. Elle s'est effondrée sans moi, tandis que, de mon côté, comme vous le savez déjà, quelques poèmes avaient l'heur de plaire à quelques uns.
Charles Dobzynski m'avait encouragé à écrire pour Europe. Dés 1978, je crois, il retint mes notes de lecture. Elles étaient différentes des notes de lecture habituelles, m'avait-il dit, plus proches du ressenti immédiat que de l'étude systématique du pourquoi et comment des mots qui, se succédant, forment des phrases, lesquelles formulent des idées, etc. Et cela lui avait plu. Comme à Pierre Gamarra, d'ailleurs.
A cette époque, Europe était installée rue de Richelieu. Lorsque je m'y rendais, j'avais le sentiment d'être un peu quelqu'un… Charles Dobzynski n'y était pas pour rien !
Un jour, au milieu des années 80, je lui ai confié quatre poèmes. Il me les a retoqués, l'humeur joyeuse. Mais il s'est cru obligé, après coup, de m'adresser une longue lettre pour m'expliquer son jugement. Elle est toujours dans mes papiers, vous imaginez, et j'en ai tiré, il me semble, les années aidant, tout le meilleur que je pouvais en extraire. Charles Dobzynski savait que, bien qu'essentiellement romancier, je me laisserais tôt ou tard à nouveau distraire par la poésie. Il n'avait pas tort.
Ainsi, évoquant Charles Dobzynski, je parle de moi ; mais, parlant de moi, je parle aussi de tout ce qu'il m'a donné. Et de la tristesse que j'éprouve en me disant : Encore un… Parce que, de ces aînés qui m'ont conduit jusqu'à aujourd'hui, écrivain à la plume fragile, à plus aucun je ne serrerai désormais la main.
(…)
Gérard Glatt
En 2005, Charles Dobzynski avait reçu la bourse Goncourt de Poésie ; en 2012, la SGDL lui avait remis le Grand prix de Poésie pour l’ensemble de son œuvre. Au cours de ces dernières années, comme lui, j’ai eu le privilège d’être publié par les éditions Orizons.